samedi 25 février 2017

Syméon et Anne, modèles pour les aînés

Syméon et Anne, modèles pour les aînés
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Syméon et Anne (Lc 2, 25-38)

Je viens de lire une homélie merveilleuse du pape François, prononcée récemment, le 2 février dernier. Cette homélie m’a réjoui car elle m’a montré que dans les faits, nos aînés peuvent faire encore beaucoup pour le Royaume de Dieu sur terre.

J’ai plusieurs fois dit que la catégorie de personnes qui me déçoit le plus dans la société actuelle, ce sont les aînés. Tant de nos aînés ici au Québec, et particulièrement à Montréal, semblent avoir oublié Dieu ainsi que tout le bien qu’ils pourraient apporter à notre société. Il est vrai que ce sont très majoritairement les aînés qui fréquentent l’église le dimanche au Québec et dans ma paroisse. Je remercie ces aînés de tout coeur et je ne les remercierai jamais assez. La déception dont je parle dans ce blogue, ne s'applique évidemment pas à eux.  

Quoi qu'on dise ou quoi qu'on pense, c’est à l’église le dimanche, que « tout se passe ». C’est là que Jésus, par un acte de charité extraordinaire, rend présent le sacrifice parfait, le sacrifice qui nous ouvre les portes du ciel. Seules les personnes qui réalisent le don immense que Dieu nous fait en rendant présent devant nos yeux l’événement historique qui a transformé et sauvé le monde: le mystère pascal, CROIX ET RÉSURRECTION (1), peuvent comprendre à quel point il est grave de manquer ce rendez-vous divin dominical sans raison valable. Si la grande majorité des aînés de ma paroisse participaient comme il se doit à la messe dominicale, je n’aurais pas assez de place pour les accueillir en n’ayant que trois messes par fin de semaine. Hélas, nos aînés semblent parfois plus prêts à se divertir, qu’à louer Dieu et intercéder pour notre peuple. Si les aînés que nous ne voyons plus à la messe, se déplaçaient le dimanche pour offrir leur vie avec Jésus pour le salut du monde, notre monde changerait, j’en suis certain. Mais certains aînés semblent plus prompts à laisser « le monde » (le monde sans Dieu) ensevelir Jésus en eux, qu’à porter Jésus au monde.

Le deux février, l’Église fête la Présentation de Jésus au Temple. Deux des personnages principaux de ce mystère joyeux, sont des aînés: le vieillard Syméon et la prophétesse Anne, àgée de 84 ans. Même si c’est le vieillard Syméon qui est le plus mis en évidence dans ce passage des évangiles, j’avoue que la prophétesse Anne est celle qui m’impressionne le plus. Voici ce qu’on nous dit d’elle :

« Il y avait aussi une femme prophète, Anne, fille de Phanuël, de la tribu d’Aser. Elle était très avancée en âge; après sept ans de mariage, demeurée veuve, elle était arrivée à l’âge de quatre-vingt-quatre ans. Elle ne s’éloignait pas du Temple, servant Dieu jour et nuit dans le jeûne et la prière. Survenant à cette heure même, elle proclamait les louanges de Dieu et parlait de l’enfant à tous ceux qui attendaient la délivrance de Jérusalem. » (Lc 2, 36-38)
Quelle femme extraordinaire! Pour qui pensez-vous qu’elle priait et qu’elle jeûnait? Pour elle-même? Probablement. Mais assurément et surtout pour son peuple. Quel modèle à imiter de nos jours! Syméon et Anne étaient tous les deux animés d’une espérance vaste comme le monde et tous les deux, dès qu’ils ont rencontré le Messie, se sont mis à l’annoncer joyeusement au monde, à le porter au monde.Voilà la tâche et l’apostolat principal de tous les aînés chrétiens: porter Jésus au monde; le présenter au monde, pour que les personnes puissent faire un choix. Syméon et Anne ont non seulement annoncé Jésus, mais ils l’ont fait avec enthousiasme et réalisme. Mais laissons la parole au pape François:  

« Le chant de Syméon est le chant de l’homme croyant qui, à la fin de ses jours, peut affirmer: c’est vrai, l’espérance en Dieu ne déçoit jamais (cf. Rm 5, 5), il ne trompe pas. Syméon et Anne, dans leur vieillesse, sont capables d’une nouvelle fécondité, et ils en témoignent en chantant: la vie mérite d’être vécue avec espérance parce que le Seigneur garde sa promesse ; et Jésus lui-même expliquera cette promesse dans la synagogue de Nazareth: les malades, les prisonniers, ceux qui sont seuls, les pauvres, les personnes âgées, les pécheurs sont invités, eux aussi, à entonner le même chant d’espérance; Jésus est avec eux, il est avec nous (cf. Lc 4, 18-19).

Ce chant d’espérance, nous l’avons reçu en héritage de nos pères. Ils nous ont engagés dans cette ‘‘dynamique’’. Sur leurs visages, dans leurs vies, dans leur dévouement quotidien et constant, nous avons pu voir comment cette louange s’est faite chair. Nous sommes héritiers des rêves de nos pères, héritiers de l’espérance qui n’a pas déçu nos mères et nos pères fondateurs, nos aînés. Nous sommes héritiers de nos anciens qui ont eu le courage de rêver; et comme eux, aujourd’hui, nous voulons, nous aussi, chanter: Dieu ne trompe pas, l’espérance en lui ne déçoit pas. Dieu vient à la rencontre de son peuple. Et nous voulons chanter en nous introduisant dans la prophétie de Joël: «  Je répandrai mon pouvoir sur tout esprit de chair, vos fils et vos filles prophétiseront, vos anciens seront instruits par des songes, et vos jeunes gens par des visions » (3, 1).

Cela nous fait du bien d’accueillir le rêve de nos pères pour pouvoir prophétiser aujourd’hui et retrouver ce qui un jour a enflammé notre cœur. Rêve et prophétie ensemble. Mémoire de la façon dont ont rêvé nos anciens, nos pères et mères et courage pour poursuivre, prophétiquement, ce rêve.

Cette attitude nous rendra féconds, nous, personnes consacrées, mais surtout elle nous préservera d’une tentation qui peut rendre stérile notre vie consacrée: la tentation de la survie. Un mal qui peut s’installer peu à peu en nous, dans nos communautés. L’attitude de survie nous fait devenir réactionnaires, peureux; elle nous enferme lentement et silencieusement dans nos maisons et dans nos schémas. Elle nous projette en arrière, vers les exploits glorieux – mais passés – qui, au lieu de susciter la créativité prophétique issue des rêves de nos fondateurs, cherchent des raccourcis pour fuir les défis qui aujourd’hui frappent à nos portes. La psychologie de la survie ôte la force à nos charismes parce qu’elle nous conduit à les ‘‘domestiquer’’, à les ramener ‘‘à portée de main’’ mais en les privant de cette force créatrice qu’ils ont inaugurée ; elle fait en sorte que nous voulons davantage protéger des espaces, des édifices ou des structures que rendre possibles de nouveaux processus. La tentation de la survie nous fait oublier la grâce, elle fait de nous des professionnels du sacré mais non des pères, des mères ou des frères de l’espérance que nous avons été appelés à prophétiser. Ce climat de survie endurcit le cœur de nos aînés en les privant de la capacité de rêver et, ainsi, stérilise la prophétie que les plus jeunes sont appelés à annoncer et à réaliser. En peu de mots, la tentation de la survie transforme en danger, en menace, en tragédie ce que le Seigneur nous présente comme une opportunité pour la mission. Cette attitude n’est pas propre uniquement à la vie consacrée, mais à titre particulier nous sommes invités à nous garder d’y succomber.

Retournons au passage de l’évangile et contemplons de nouveau la scène. Ce qu’a suscité le chant de louange en Syméon et Anne, cela n’a pas été, bien sûr, de se regarder eux-mêmes, d’analyser et de revoir leur situation personnelle. Cela n’a pas été de s’enfermer de peur que quelque malheur ne puisse leur arriver. Ce qu’a suscité le chant a été l’espérance, cette espérance qui les soutenait dans la vieillesse. Cette espérance s’est vue récompensée dans la rencontre avec Jésus. Lorsque Marie dépose dans les bras de Syméon le Fils de la Promesse, le vieillard commencer à chanter, il fait une “liturgie”, il chante  ses rêves. Lorsqu’elle met Jésus au milieu de son peuple, celui-ci trouve la joie. Oui, il n’y a que cela pour pouvoir nous redonner la joie et l’espérance, seulement cela nous préservera de vivre dans une attitude de survie. Uniquement cela fécondera notre vie et maintiendra vivant notre cœur. Mettre Jésus là où il doit être : au milieu de son peuple.

Nous sommes  tous conscients de la transformation multiculturelle que nous traversons ; personne n’en doute. D’où l’importance que la personne consacrée soit insérée avec Jésus dans la vie, dans le cœur de ces grandes transformations. La mission – en conformité avec chaque charisme spécifique – est de nous rappeler que nous avons été invités à être levain de cette masse concrète. Certes, il peut y avoir des ‘‘farines’’ meilleures, mais le Seigneur nous a invités à faire lever la pâte ici et maintenant, avec les défis qui se présentent à nous. Non par une attitude défensive, non poussés par nos peurs, mais les mains à la charrue, en cherchant à faire croître le grain souvent semé au milieu de l’ivraie. Mettre Jésus au milieu de son peuple signifie avoir un cœur contemplatif, capable de discerner comment Dieu marche dans les rues de nos villes, de nos villages, de nos quartiers. Mettre Jésus au milieu de son peuple signifie prendre en charge et vouloir aider à porter la croix de nos frères. C’est vouloir toucher les plaies de Jésus dans les plaies du monde, qui est blessé et désire et demande à ressusciter.

Nous mettre avec Jésus au milieu de son peuple ! Non comme des activistes de la foi, mais comme des hommes et des femmes qui sont continuellement pardonnés, des hommes et des femmes unis dans le baptême pour partager cette onction et la consolation de Dieu avec les autres.   

Nous mettre avec Jésus au milieu de son peuple, car « nous ressentons la nécessité de découvrir et de transmettre la “mystique” de vivre ensemble, de se mélanger, de se rencontrer, de se prendre dans les bras, de se soutenir, de participer à cette marée un peu chaotique qui [avec le Seigneur] peut se transformer en une véritable expérience de fraternité, en une caravane solidaire, en un saint pèlerinage… […] Si nous pouvions suivre ce chemin, ce serait une très bonne chose, très régénératrice, très libératrice, très génératrice d’espérance! Sortir de soi-même pour s’unir aux autres » (Exhort. ap. Evangelii gaudium, n. 87) non seulement fait du bien, mais aussi transforme notre vie et notre espérance en un chant de louange. Mais cela, nous ne pouvons le réaliser que si nous faisons nôtres les rêves de nos pères et les transformons en prophétie.

Accompagnons Jésus pour qu’il rencontre son peuple, pour qu’il soit au milieu de son peuple, non pas dans la lamentation ou dans l’anxiété de celui qui a oublié de prophétiser parce qu’il ne prend pas en charge les rêves de ses pères, mais dans la louange et dans la sérénité ; non pas dans l’agitation mais dans la patience de celui qui se fie à l’Esprit, Seigneur des rêves et de la prophétie. Et ainsi, nous partageons ce qui nous appartient : le chant qui naît de l’espérance. (2)

Oui nos aînés peuvent prophétiser à notre peuple, parler à notre peuple de l’existence de Dieu, de sa présence dans le monde, de son action et de son amour. « Seigneur, envoie ton Esprit, qui renouvelle la face de la terre » (prière inspirée du psaume 103).


(1) On dira peut-être que la résurrection de Jésus n’est pas vraiment « historique », puisqu’elle transcende l’histoire, mais à un moment donné, il faut arrêter de jouer sur les mots.

(2) XXIe Journée mondiale de la Vie consacrée - Fête de la Présentation ...

https://w2.vatican.va/.../fr/.../papa-francesco_20170202_omelia-vita-consacrata.html






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