lundi 23 décembre 2013

Mes voeux en ce Noël 2013

Mes vœux en ce Noël 2013

Chers amis, voici mes vœux, ou mes désirs, pour vous et pour moi, en ce Noël 2013 : que nous comprenions toujours mieux ce que c’est que d’être chrétiens et que nous éprouvions de plus en plus une immense fierté d’avoir été choisis par Dieu pour être incorporés au Christ Sauveur. Le baptême est avant tout une incorporation au Christ : nous entrons dans son corps, nous faisons partie de son corps. Le baptême a fait de nous des membres du Christ ressuscité et Sauveur. En Lui, nous devons vivre en ressuscités et contribuer à notre tour, à sauver notre pauvre monde : « Je complète en ma chair ce qui manque aux épreuves du Christ pour son Corps, qui est l'Église » (Col 1, 24). 

Mais pour que nous puissions être « incorporés » au Christ, il fallait d’abord que le Verbe se fasse chair, que le Fils éternel du Père, coéternel avec le Père et l’Esprit-Saint, prenne corps et s’unisse à jamais à notre nature faible et mortelle. C’est grâce à cette incorporation du Fils de Dieu à notre nature, que nous pouvons à notre tour, faire corps avec Lui. C’est cet abaissement du Fils de Dieu, cette humiliation et cet anéantissement (pour reprendre une expression  utilisée par saint Paul) du Fils de Dieu, que nous célébrons à Noël et que nous sommes invités à vivre et à imiter jusqu’à notre mort : « Le Christ Jésus, ayant la condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu, mais il s’est anéanti, prenant la condition d’esclave, et devenant semblable aux hommes. S’étant comporté comme un homme, il s’humilia plus encore, obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix! C’est pourquoi Dieu l’a exalté et lui a  donné le Nom qui surpasse tous les noms, afin qu’au nom de Jésus, tout genou fléchisse, au ciel, sur terre et aux enfers, et que toute langue proclame : « Jésus Christ est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père » (Phil 2, 6-11)

Lorsque j’entends certains de mes compatriotes qui travaillent à la radio ou à la télévision, parler de la religion catholique, ils la qualifient souvent de religion du sacrifice, de religion qui fait l’éloge de la souffrance. Et parce que ces personnes ne perçoivent pas du tout la valeur intrinsèque du sacrifice de Jésus et de tout sacrifice vécu avec Jésus et pour Jésus,  elles se disent  tellement heureuses d’avoir mis de côté la religion de leurs ancêtres. Ces gens ont tout à fait raison de percevoir le sacrifice comme faisant partie intégrale de la religion catholique. Cela est tout à fait vrai. Mais la religion catholique n’est pas masochiste. Un masochiste aime la souffrance pour la souffrance. Nous, les catholiques, nous n’aimons pas la souffrance, pour la souffrance. Nous aimons la souffrance comme moyen de transformation intérieure, comme moyen de partager la vie de Jésus, la vie divine, comme moyen, en somme, d’être divinisés. C’est le rêve de l’être humain, depuis ses origines, de devenir un Dieu, d’être comme Dieu. Mais alors que l’être humain, laissé à ses seules lumières naturelles, en vient à penser que le moyen d’être comme Dieu, est de pouvoir décider par lui-même de ce qui est bien, et de ce qui est mal, ou encore, de faire uniquement ce qui lui plaît, le chrétien, lui. a une tout autre conviction, une tout autre vision. Le chrétien sait et croit que l’unique moyen de s’unir à la vie divine, est le renoncement à sa nature pécheresse. Le moyen le plus sûr pour le chrétien de partager la vie divine, depuis que Dieu s’est fait homme, c’est d’aller contre sa nature sensible, et d’imiter Dieu dans son abaissement et son renoncement.

Le Père Raniero Cantalamessa a donné un enseignement magistral, le 6 décembre dernier, au pape et à la curie romaine. Il a essayé de montrer comment saint François d’Assise a renouvelé l’Église par la voie de la sainteté. C’est uniquement la sainteté qui renouvellera le monde. Mais la question est la suivante : qu’est-ce que la sainteté? Le Père Cantalamessa, capucin et fils de saint François, a montré très clairement que saint François s’est approché de la  sainteté, le jour où, allant contre la nature sensible en lui, il a embrassé un lépreux. J’ai cité ce passage dans mon blogue du 17 décembre dernier, intitulé : François et François.

Voici maintenant, une autre portion de ce magnifique enseignement du Père Cantalamessa :

Comment imiter François?
Qu’est-ce que l’expérience de François nous dit aujourd’hui ? Que pouvons-nous imiter chez lui, tous, et tout de suite ? Aussi bien ceux que Dieu appelle à réformer l’Église par la sainteté, que ceux qui se sentent appelés à la renouveler par la critique, ou ceux que lui-même appelle à la réformer par les charges qu’ils recouvrent ? La même chose que le point de départ de l’aventure spirituelle de François: sa conversion du « moi » à Dieu, son renoncement à lui-même. C’est ainsi que naissent les vrais réformateurs, ceux qui changent vraiment quelque chose dans l’Église. Ceux qui meurent à eux-mêmes. Mieux, ceux qui décident sérieusement de mourir à eux-mêmes, sachant qu’il s‘agit d’une démarche qui dure toute la vie, voire au-delà d’elle, si, comme le disait sainte Thérèse d’Avila en plaisantant, notre amour propre meurt vingt minutes après nous.

Une saint moine orthodoxe, Silouane du Mont Athos, disait ceci: « Pour être vraiment libres, il faut commencer par se lier soi-même ». Des hommes comme eux sont libres de la liberté de l’Esprit; rien ne les arrête et plus rien ne leur fait peur. Ils deviennent des réformateurs par la voie de la sainteté, et pas seulement par leur charge. Mais que  signifie la proposition de Jésus de renoncer à soi-même ? Est-ce toujours possible de le proposer à un monde qui ne parle que de réalisation de soi, d’affirmation de soi? Le renoncement n’est jamais une fin en soi, ni un idéal en soi. La chose plus importante, c’est ce qui est positif: " Si quelqu’un veut venir avec moi " a dit Jésus; c’est suivre le Christ, posséder le Christ. Dire non à soi-même, c’est le moyen; dire oui au Christ, c’est la fin. Paul le présente comme une sorte de loi de l’esprit: « Si, par l’Esprit, vous tuez les désordres de l’homme pécheur, vous vivrez » (Rm 8,13). C’est, on le voit, un « mourir » pour vivre, à l’opposé de la vision philosophique existentielle selon laquelle la vie humaine est « un vivre pour mourir » (Heidegger).

Il s’agit de savoir quel fondement nous voulons donner à notre existence : notre « moi » ou le « Christ »; dans le langage de Paul, si nous voulons vivre « pour nous-mêmes », ou « pour le Seigneur » (cf. 2 Co 5,15; Rm 14, 7-8). Vivre « pour soi-même » signifie vivre selon ses propres commodités, sa propre gloire, son propre avancement ; vivre « pour le Seigneur » signifie toujours remettre à la première place, dans nos intentions, la gloire du Christ, les intérêts du Royaume et de l’Eglise.
Chaque « non », petit ou grand, dit à soi-même par amour, est un « oui » dit au Christ.

Il faut seulement éviter de se faire des illusions. Il ne s’agit pas de tout savoir sur le renoncement chrétien, sa beauté et sa nécessité; il s’agit de passer à l’acte, de le mettre en pratique. Un grand maître de l’esprit des temps anciens  disait: « Il est possible de briser dix fois sa propre volonté en un temps très bref ; et je vous dis comment. Une personne se promène et voit quelque chose; sa pensée lui dit: « Regarde là », mais lui répond à sa pensée: « Non, je ne regarde pas », et il brise sa volonté. Puis il rencontre d’autres personnes qui sont en train de parler en mal de quelqu’un, peut-être du supérieur, et sa pensée lui dit : « Dis toi aussi ce que tu sais », et il brise sa volonté en se taisant » (1). Ce Père des temps anciens apporte, comme on le voit, des exemples qui sont tous tirés de la vie monastique. Mais ceux-ci peuvent s’actualiser et s’adapter facilement à la vie de chacun, clercs et laïcs. Vous ne rencontrerez peut-être pas comme François un lépreux, mais un pauvre qui, vous le savez, vous demandera quelque chose; le vieil homme qui est en vous vous pousse à passer de l’autre côté de la rue, mais vous, vous vous faites violence et vous allez à sa rencontre, en ne lui offrant peut-être qu’un salut et une poignée de main, si vous ne pouvez rien de plus. L’occasion d’un gain illicite se présente à vous: vous dites non, et vous avez renoncé à vous-mêmes. Vous avez été contredit dans une de vos idées; piqué au vif, vous voudriez répliquer vivement, vous vous taisez et attendez: vous avez brisé votre « moi ». Vous croyez avoir reçu un tort, un traitement, ou une tâche non adaptés à vos mérites ; vous voudriez le faire remarquer  à tout le monde, en vous enfermant dans un silence plein de tacite reproche. Vous dites non, vous brisez le silence, vous souriez et vous rouvrez le dialogue. Vous avez renoncé à vous-mêmes et sauvé la charité. Et ainsi de suite.

Un objectif difficile à atteindre (je ne parle certes pas comme quelqu’un qui y serait arrivé!), mais ce qui est arrivé à François, nous a montré ce qui peut naître d’un renoncement de soi réalisé en réponse à la grâce. L’objectif final à atteindre est de pouvoir dire comme Paul et avec lui: « Ce n’est plus moi qui vis, c’est Christ qui vit en moi ». Et cette terre sera alors déjà comblée de joie et de paix. Saint François, avec sa «joie parfaite», est un témoin vivant de la « joie qui vient de l’Évangile, de l’«Evangelii Gaudium » dont nous parle le pape François dans sa récente Exhortation apostolique.
(Tiré de l’enseignement du Père Raniero Cantalamessa, du 6 décembre 2013, intitulé: FRANÇOIS D’ASSISE ET LA RÉFORME DE L'ÉGLISE PAR VOIE DE SAINTETÉ)

(     (1) Dorothée de Gaza, Oeuvres spirituelles, I,20 (SCH 92,p.177).


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